Alors que le prix des maisons ne cesse d’augmenter et qu’il est de plus en plus difficile d’épargner pour une mise de fonds hypothécaire, le budget du gouvernement fédéral de 2022 prévoit la mise en place en 2023 d’un nouveau Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP).
Bien qu’il reste encore plusieurs précisions à venir sur ce nouveau régime, le CELIAPP apparait comme un véhicule hybride entre le REER et le CELI. Les premiers acheteurs bénéficiant déjà du régime d’accession à la propriété (RAP), il convient de définir les contours du CELIAPP pour en comprendre les avantages et inconvénients.
Conditions d’ouverture d’un compte CELIAPP
Le CELIAPP est un régime individuel distinct du REER et du CELI. Pour pouvoir ouvrir un compte, il faut (1) être un résident canadien, (2) être âgé d’au moins 18 ans et (3) ne pas avoir vécu dans une propriété nous appartenant dans l’année de l’ouverture du compte ou dans les quatre années civiles précédentes.
Pour le moment, un contribuable vivant en couple dans une résidence dont son conjoint est propriétaire pourrait tout de même ouvrir un CELIAPP. Si tel était le cas, il s’agirait d’une distinction majeure avec le RAP qui mentionne que le contribuable ne doit pas avoir résidé dans une résidence lui appartenant OU appartenant à son conjoint.
Les cotisations au CELIAPP sont déductibles tout comme le REER!
Les sommes versées dans un CELIAPP donnent droit à une déduction fiscale sur votre déclaration de revenus, et potentiellement à un remboursement d’impôt facilitant l’accumulation d’un capital pour une mise de fonds sur une propriété. De plus, une cotisation au CELIAPP n’affecte en rien vos droits de cotisation REER.
Contrairement au REER, la période de cotisation pour le CELIAPP pour une année civile donnée sera du 1er janvier au 31 décembre. Il ne sera donc pas possible, comme ce l'est avec le REER, de cotiser dans les 60 premiers jours de l'année suivante pour faire compter notre cotisation dans notre déclaration de revenus de l'année en cours. Cependant, il sera possible, tout comme le REER, de reporter la déduction fiscale dans une année subséquente à l’année de la cotisation.
Règles concernant les cotisations
Le CELIAPP comporte un plafond annuel de cotisation de 8 000 $ qui est le même pour tous. Une limite à vie de cotisation est aussi fixée à 40 000 $. Pour un contribuable débutant son épargne en 2023, il lui faudra donc au moins cinq ans avant de pouvoir maximiser son CELIAPP.
Tout comme le CELI et le REER, les droits de cotisation annuels inutilisés sont cumulables. Autrement dit, un premier acheteur cotisant un montant de 5 000 $ à son CELIAPP en 2023 aura une limite de cotisation annuelle de 11 000 $ en 2024 (le 8 000 $ permis pour 2024 plus le 3 000 $ inutilisé en 2023).
Les droits de cotisation commencent à s'accumuler à partir de l'ouverture du compte CELIAPP. Il serait judicieux alors d'ouvrir un CELIAPP le plus rapidement possible pour une personne désirant acheter éventuellement une première propriété, même si les premières cotisations sont modestes.
Un retrait entièrement libre d’impôt… pour les premiers acheteurs!
Le CELIAPP, en plus de permettre la déduction des cotisations comme le REER, permet aussi un retrait entièrement libre d’impôt pour les premiers acheteurs d’une propriété si le retrait se réalise dans les 15 années suivant l’ouverture du compte. De plus, il n’y a aucune obligation de rembourser les sommes retirées comme c’est le cas avec le RAP.
Bien que le CELIAPP impose une limite de cotisation annuelle et à vie, il n’y a aucune limite en ce qui concerne le retrait pour l’acquisition d’une première propriété, contrairement au RAP qui limite le retrait à 35 000 $. Le rendement qui se fait à l’intérieur du CELIAPP peut également être retiré entièrement libre d’impôt. On imagine donc qu’un premier acheteur ayant maximisé son CELIAPP en investissant les sommes dans un placement admissible (ex. : fonds commun de placement) pourrait facilement retirer plus que 40 000 $ pour l’achat de sa première propriété.
Plusieurs options si l’achat ne se concrétise pas
Si un contribuable CELIAPP n’achète pas de propriété admissible dans les 15 années suivant l’ouverture de son CELIAPP, il pourra au choix effectuer un retrait imposable des sommes, ou encore le transférer dans son REER/FERR sans impact fiscal… et sans impact sur ses droits de cotisation REER! Cette dernière option permettrait ainsi de reporter l’imposition sans aucune incidence négative, même pour les individus n’ayant plus d’espace de cotisation REER.
RAP ou CELIAPP?
Les premiers acheteurs avaient (et ont toujours) l'option du RAP pour l’achat d’une propriété. La question se posera inévitablement : vaut-il mieux utiliser le RAP ou le CELIAPP? Une chose est certaine, il faudra en choisir un, car il sera impossible de combiner les deux stratégies.
Chaque cas est différent, et une consultation avec votre conseiller vous permettra d’y voir plus clair. Certaines pistes semblent se dégager, notamment :
· Pour un achat à court terme, le RAP pourrait apparaître plus avantageux vu l’absence de limite annuelle pour les cotisations;
· Un jeune contribuable sans épargne importante pourrait prioriser le CELIAPP avant même le CELI et le REER. Si aucun achat n’est fait d’ici les 15 prochaines années, il pourra simplement rouler son CELIAPP à son REER sans impact fiscal;
· Il existe une seule utilisation à vie possible pour le CELIAPP, et ce même si on n’utilise pas la totalité du 40 000 $ permis et même si on se requalifie plus tard comme premier acheteur. Ce sera alors un pensez-y-bien si on dispose de moins de 40 000 $ et qu’on ne veut pas « gaspiller » sa capacité future de CELIAPP;
· Selon les informations dont nous disposons actuellement, même un locataire n’ayant aucune intention d’acheter une propriété pourrait ouvrir un CELIAPP, cotiser jusqu’à concurrence de 40 000 $ et le rouler après 15 ans à son REER. Les gains fiscaux pourraient alors être énormes.
Conclusion
Le CELIAPP représente une nouveauté fiscale qui s’ajoute à l’arsenal des conseillers pour aider leurs clients dans l’acquisition d’une première propriété. Il sera intéressant de suivre les précisions qui suivront d’ici son implantation pour avoir une image plus juste de ses modalités et pour donner les meilleures recommandations à nos clients.
Par
Jérémie Lemieux (Pl.Fin, LL.L.)
Planificateur financier
Conseiller en sécurité financière
Inscrit auprès de Gestion de Patrimoine Lemieux Inc.
Représentant de courtier en épargne collective
Inscrit auprès de MICA Capital Inc.